Les managers sont inutiles ?

Le management des entreprises n’est pas quelque chose de naturel, et sa formalisation est très récente, car elle date de la fin du 19è siècle. Le fait que l’invention du management soit récente signifie que, comme toute invention humaine, elle n’a pas particulièrement vocation à durer éternellement. Que ce soit par les apports de Taylor ou de Ford, le but du management a été d’améliorer la productivité des entreprises. A t’on toujours besoin d’améliorer la productivité humaine? Dans quel but?

La remise en cause du management est dans l’air du temps depuis un moment. L’année dernière, j’avais déjà écrit un article sur le manager augmenté. La conclusion était Le manager augmenté, ce sera alors l’humain augmenté. C’est à dire que chaque humain pourra intégrer sa capacité de se manager lui-même en étant capable de comprendre la raison d’être et les objectifs de son organisation ou de son entreprise.

D’où vient cette idée de management?

Le besoin d’introduire du management s’est fait sentir par l’augmentation drastique des effectifs des entreprises. Les chefs d’entreprise ont éprouvé cette nécessité de déléguer la gestion des employés à d’autres employés formés à la gestion des hommes. Or le seul modèle de grande organisation connu au moment des premières « grandes » entreprises du 18è-19è siècle, était celui de l’armée, c’était le seul modèle connu de gestion d’un grand nombre d’hommes reconnu pour son efficacité. Les premières grandes entreprises se sont donc basées sur le modèle de management hiérarchique de l’armée pour gérer un grand nombre d’employés, et ainsi obtenir leur obéissance, gage d’une grande efficacité, et d’une bonne productivité.

L’invention du management est récente, et il n’y a pas de raison pour que ce système de fonctionnement dure éternellement.

Les notions de management traditionnel sont excellentes si vous voulez l’obéissance
Si vous voulez de l’engagement, l’autonomie fonctionne mieux

Je n’ai jamais compris à quoi sert un manager

Aussi loin que je me souvienne, je pense n’avoir jamais compris ou accepté l’idée de chef et de hiérarchie. Et j’étais persuadé que tout le monde partageait cette conception: il est absurde qu’il y ait des chefs. Pourtant un grand nombre de personnes semble aimer ce fonctionnement comportant une hiérarchie de managers. Cela rassure. Vous avez un manager qui est responsable de votre travail, ce qui en un sens est assez confortable, et c’est un stress en moins de diminuer ses responsabilités.

Dans tous mes postes que j’ai occupés en tant que salarié, j’ai toujours trouvé que les managers sont inutiles. Ils ne m’ont jamais apporté quoi que ce soit dans mon travail. Et je n’ai jamais compris à quoi ils servaient pour l’intérêt de l’entreprise. Le seul petit intérêt que j’y ai vu, c’est d’être un rouage dans la chaîne de communication entre un président d’entreprise et ses employés. Le problème est que ce système donne au manager un pouvoir sur d’autres personnes qui est, me semble t’il, non acceptable par toute personne qui est attachée à la liberté des humains.

La notion de chef est incompatible avec celle de liberté

Au détour d’une discussion, mon manager me confiait que son chef lui demandait maintenant de produire du travail, en plus de son travail de manager, et qu’il trouvait cela injuste, il n’aurait jamais le temps de tout faire. Cela m’a surpris, je me suis dis que je ne savais pas ce que faisait mon manager: son rôle n’était il que d’organiser l’équipe. Je pensais qu’il produisait du travail. En fait, je n’avais aucune idée de ce qu’il faisait toute la journée. Il avait toujours l’air d’être très occupé. Mais si son travail ne consistait qu’à assister à des réunions et à organiser l’équipe, je me disais qu’effectivement, les managers sont inutiles. En tout cas, je ne voyais pas le bénéfice de son travail.

Pourquoi pas une entreprise sans manager?

J’assistais à une réunion organisée par mon directeur regroupant environ 50 personnes, dont le but était de présenter les objectifs de changement d’organisation qui étaient prévus dans les prochaines années. Ce programme de changement organisationnel avait été pensé à haut niveau, et il y avait eu une cascade hiérarchique de transmission de l’information pour arriver jusqu’à moi.

La personne qui présentait ce programme était un homme d’environ 60 ans avec un niveau hiérarchique relativement élevé. Il nous expliquait que notre entreprise allait très bien, il avait sorti une statistique qui indiquait que plus 90% des salariés étaient satisfaits, et recommanderait à leurs amis de travailler dans notre entreprise.

Il nous expliquait qu’il y avait un programme de transformation de l’organisation pour la rendre plus humaine, mais que cela ne servait à rien puisque tout le monde était déjà content.

Je suis alors intervenu, en expliquant que l’époque change, nous faisons tous un travail intellectuel, et les employés souhaitent travailler dans l’autonomie, et qu’il faut s’adapter aux changements. Notamment, les jeunes générations Y ou Z n’acceptent plus de travailler dans un environnement hiérarchique. Ainsi, j’ai fait part de ma croyance: de nos jours, les managers sont inutiles, chacun est capable de responsabilisation et d’autonomie. Et j’ai fait la promotion d’une conférence qui avait lieu bientôt sur le thème d’une entreprise sans managers. A ce moment, tout le monde m’est tombé dessus, en disant, qu’il était impossible de supprimer les managers. Je n’ai pas senti une seule des 50 personnes, présentes à ce meeting, abonder dans mon sens.

Je n’ai entendu personne qui puisse m’expliquer à quoi sert un manager.

Ma croyance volait en éclat: la plupart de mes collègues, ou peut-être tous, croyaient que les managers servaient à quelque chose!

Je tombais de haut, et je n’ai pas pu rassembler mes idées pour exprimer tout ce que je souhaitais. D’ailleurs, tout le monde me coupait la parole. Et il était impossible de parler. C’était comme si tout le monde avait peur de ce que j’avais à dire. J’ai entendu un commentaire le jour où il n’aura plus de manager, les poules auront des dents. Une entreprise sans manager, c’est de la prospective, et je confonds la réalité, et la science-fiction.

Je n’ai entendu personne qui puisse m’expliquer à quoi sert un manager. Cela semblait évident pour tout le monde, mais je ne comprenais pas.

Conférence sur l’holacracy

J’ai assisté à cette conférence sur une organisation sans managers pour laquelle j’avais fait la promotion. C’était tout simplement une conférence de promotion de l’holacracy. J’ai été très intéressé par ce nouveau mode de fonctionnement des organisations dont le principe est d’imprégner chacun de la raison d’être de l’entreprise, c’est-à-dire de donner du sens à l’objectif de l’entreprise. Chacun a son rôle clairement défini dans lequel il agit en toute autonomie pour l’accomplir. Il y a des meetings très codifiés, ou chacun a un rôle précis, et qui permettent notamment de dissiper tout malentendu, et traiter les tensions, ou de relever les activités manquantes. On distingue clairement la fonction d’une personne, et la personne elle-même. Il n’y a plus d’équipe comme on l’entend dans les organisations hiérarchiques, mais des cercles d’activité. Il est ainsi possible d’appartenir à plusieurs cercles.

C’est intéressant de chercher des alternatives à l’organisation hiérarchique, et j’ai trouvé cela passionnant. Cependant, dans un 2ème temps, j’ai trouvé que c’était une organisation qui ne laissait pas de liberté ou d’autonomie particulière. Ça semble même un peu enfermant, et manquant d’humanité par une codification excessive des relations. L’intérêt de l’Holacracy consiste à former les employés à travailler ensemble. Ce qui n’est pas toujours le cas dans les organisations.

En conclusion, il n’y avait rien de particulièrement révolutionnaire dans les principes de l’holacracy, le nom de manager est remplacé par responsable de cercle, et son rôle est sensiblement le même.

Il n’y a aucune raison pour continuer à fonctionner dans un système avec managers

Je suis arrivé, à la conclusion selon laquelle  les managers sont inutiles tant qu’ils s’inscrivent dans une hiérarchie. S’ils font leur travail selon les règles du management traditionnel, ils continueront à être une source de stress pour leurs collaborateurs et pour eux même.

Tout le monde a besoin d’échanger avec d’autres personnes, pour évoluer dans son travail, mais il n’y a pas besoin de hiérarchie, ou de nommer des personnes particulières qui auraient plus de pouvoir que d’autres. Tout le monde est capable d’autonomie et de responsabilisation. Mettez un manager en place, en lui donnant de la responsabilité, et vous ôtez la responsabilité aux membres de l’équipe.

Nous avons tous le désir de diriger nos propres vies en toute autonomie.

Nous avons l’aspiration de nous surpasser sur quelque chose qui compte pour nous, et ainsi maîtriser des connaissances et des compétences.

Nous avons envie de faire ce que nous faisons au service de quelque chose qui nous dépasse, comme une entreprise ou une société.

Pour cela, les managers sont inutiles….

Le management est une notion artificielle qui a été inventée par l’Homme dans des conditions particulières. Il n’y a aucune raison pour continuer à fonctionner ainsi éternellement.

N’hésitez pas à donner votre opinion ci-dessous dans les commentaires. Par exemple je serai ravi que quelqu’un puisse m’expliquer l’utilité des managers

 

 

 

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Ines dit

Tout à fait d’accord avec vous. C’est ridicule le management, en particulier pour les personnes qui savent travailler en autonomie et chercher les infos si besoin auprès de leurs collègues !

Cel dit

Enfin quelqu’un qui pense comme moi! Je viens de faire un stage de management et tout le monde était persuadé que le management allait de soi, et qu’un cadre était indispensable pour faire travailler les équipes… ce dont moi je suis loin d’être persuadée… Pire, quand s’est posée la question: est-ce qu’on change en devenant manager?, tout le monde a répondu que oui, que c’était normal et qu’il n’y avait pas de problème avec ça. Et bien moi, ça me pose un problème. Je n’ai pas envie de devenir quelqu’un d’autre, pas envie de commencer à utiliser des thermes comme « collaborateurs » à la place de collègues, « management », « leviers de motivation »… Je continuerai donc à ne pas manager (ce que je fais depuis le début- je m’en suis rendue compte lors de ce stage), ce qui n’empêche pas l’équipe de travailler et même très bien, sans stress! Tout ça à mon avis, c’est du bullshit! Malheureusement ce mode de pensée a tellement envahi toute la sphère professionnelle que très peu nombreux sont ceux qui osent le remettre en cause.

    Serge Danan dit

    Merci pour ce commentaire, c’est vrai que ça fait du bien de s’apercevoir qu’on n’est pas seul à penser différemment.
    Le terme collaborateur renvoie à ceux qui ont collaboré, sans réfléchir, pendant la 2ème guerre mondiale.
    Je trouve également le terme ressource humaine est très réducteur: cela fait penser que le collaborateur n’est finalement qu’un être avec 2 bras et un cerveau, qui agit sans réfléchir.
    Commencer par changer les mots utilisés dans l’entreprise serait un bon début!
    Merci pour cette idée.

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